— Ressources documentaires —Décret du 11 juillet 1907 sur la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels qui mettent en œuvre des courants électriques
Le Président de la République Française.
Sur le rapport du ministre du Travail et de la Prévoyance sociale,
Vu l’article 3 de la loi du 12 juin 1893, modifiée par la loi du 11 juillet 1903, ainsi conçu : « Dès règlements d’administration publique, rendus après avis du Comité consultatif des Arts et Manufactures détermineront :
1°…
2° Au fur et à mesure des nécessités constatées, les prescriptions particulières relatives soit à certaines industries soit à certains modes de travail… »
Vu le décret du 29 novembre 1904 modifié par les décrets des 6 août 1903 et 22 mars 1906 ;
Vu l’avis du Comité consultatif des Arts et Manufactures ;
Le Conseil d’Etat entendu,
Décrète :
Section I
Prescriptions générales
Article 1er
Les installations électriques doivent comporter des dispositifs de sécurité en rapport avec la plus grande tension de régime existant entre les conducteurs et la terre.
Suivant cette tension, les installations électriques sont classées en deux catégories.
Première catégorie
- Courant continu – Installations dans lesquelles la plus grande tension de régime entre les conducteurs et la terre ne dépasse pas 600 volts.
- Courant alternatif – Installations dans lesquelles la plus grande tension efficace entre les conducteurs et la terre ne dépasse pas 150 volts.
Deuxième catégorie
Installations comportant des tensions respectivement supérieures aux tensions ci-dessus.
Section II
Installations de machines, appareils et lampes électriques
Article 2
Les machines électriques sont soumises, en outre des prescriptions générales du décret du 29 novembre 1904, et notamment de celles des articles 12, 14 et 15 de ce décret, aux prescriptions spéciales suivantes ;
Pour celles qui appartiennent à des installations de la deuxième catégorie, les bâtis et les pièces conductrices non parcourus par le courant doivent être reliés électriquement à la terre ou isolés électriquement du sol. Dans ce dernier cas, les machines sont entourées par un plancher de service non glissant, isolé du sol et assez développé pour qu’il ne soit pas possible de toucher à la fois à la machine et à un corps conducteur quelconque relié au sol.
La mise à la terre ou l’isolement électrique est constamment maintenu en bon état.
Les mêmes prescriptions sont applicables aux transformations dépendant d’installations de la deuxième catégorie : ces appareils ne doivent être accessibles qu’au personnel qui en a la charge.
Article 3
Si une machine ou un appareil électrique de la deuxième catégorie se trouve dans un local ayant, en même temps, une autre destination, la partie du local affectée à cette machine ou à cet appareil est rendue inaccessible, par un garde-corps ou un dispositif équivalent, à tout autre personnel qu’à celui qui en a la charge ; une mention indiquant le danger doit être affichée en évidence.
Article 4
Dans les locaux destinés aux accumulateurs, dans les ateliers qui contiennent des corps explosifs et dans ceux où il peut se produire soit des gaz détonants, soit des poussières inflammables, il est interdit d’établir des machines électriques à découvert, des lampes à incandescence non munies de double enveloppe, des lampes à arc ou aucun appareil pouvant donner lieu à des étincelles, sans qu’ils soient pourvus d’une enveloppe de sûreté les isolant de l’atmosphère du local.
La ventilation des locaux destinés aux accumulateurs doit être suffisante pour assurer l’évacuation continue des gaz dégagés.
Section III
Tableaux de distribution et locaux
Article 5
Pour les tableaux de distribution de courants appartenant à la première catégorie, les conducteurs doivent présenter les isolements et les écartements propres à éviter tout danger.
Pour les tableaux de distribution portant des appareils et pièces métalliques de la deuxième catégorie, le plancher de service sur la face avant (où se trouvent les poignées de manœuvre et les instruments de lecture) doit être isolé électriquement et établi comme il est dit ci-dessus au sujet des machines.
Quand des pièces métalliques ou appareils de la deuxième catégorie sont établis à découvert sur la face arrière du tableau, un passage entièrement libre de 1 mètre de largeur et de 2 mètres de hauteur au moins est réservé derrière lesdits appareils et pièces métalliques ; l’accès de ce passage est défendu par une porte fermant à clef, laquelle ne peut être ouverte que par ordre du chef de service ou par ses préposés à ce désignés ; l’entrée en sera interdite à toute autre personne.
Article 6
Les passages ménagés pour l’accès aux machines et appareils de la deuxième catégorie placés à découvert ne peuvent avoir moins de 2 mètres de hauteur ; leur largeur, mesurée entre les machines, conducteurs ou appareils eux-mêmes aussi bien qu’entre ceux-ci et les parties métalliques de la construction, ne doit pas être inférieure à 1 mètre.
Dans tous les locaux, les conducteurs et appareils de la deuxième catégorie doivent, notamment sur les tableaux de distribution, être nettement différenciés des autres par une marque très apparente (une couche de peinture par exemple).
Dans les locaux où le sol et les parois sont très conducteurs, soit par construction, soit par suite de dépôts salins résultant de l’exercice même de l’industrie ou par suite d’humidité, on ne doit jamais établir, à la portée de la main, des conducteurs ou des appareils placés à découvert.
Article 7
Les salles des machines génératrices d’électricité et les sous-stations doivent posséder un éclairage de secours continuant à fonctionner en cas d’arrêt du courant.
Section IV
Installations des canalisations
Article 8
Les canalisations nues appartenant à une installation de la deuxième catégorie doivent être établies hors de la portée de la main sur des isolateurs convenablement espacés et être écartées des masses métalliques telles que piliers ou colonnes, gouttières, tuyaux de descente, etc.
Les canalisations nues appartenant à une installation de la première catégorie établies à l’intérieur, et qui sont à portée de la main, doivent être signalées à l’attention par une marque bien apparente ; l’abord en est défendu par un dispositif de garde.
Les enveloppes des autres canalisations doivent être convenablement isolantes.
Aucun travail n’est entrepris sur des conducteurs de la première catégorie en charge sans que des précautions suffisantes assurent la sécurité de l’opérateur.
Des dispositions doivent être prises pour éviter l’échauffement anormal des conducteurs à l’aide e coupe-circuit, plombs fusibles ou autres dispositifs équivalents.
Toute installation reliée à un réseau comportant des lignes aériennes de plus de 500 mètres doit être suffisamment protégée contre les décharges atmosphériques.
Article 9
Les colonnes, les supports et, en général, toutes les pièces métalliques de la construction qui risqueraient, par suite d’un accident sur la canalisation, d’être accidentellement soumis à une tension de la deuxième catégorie doivent être convenablement reliés à la terre.
Article 10
Il est formellement interdit de faire exécuter aucun travail sur les lignes électriques de la deuxième catégorie, sans les avoir, au préalable, coupées de part et d’autre de la section à réparer. La communication ne peut être rétablie que sur l’ordre exprès du chef de service ; ce dernier doit avoir été au préalable avisé par chacun des chefs d’équipes que le travail est terminé et que le personnel ouvrier est réuni au point de ralliement fixé à l’avance.
Pendant toute la durée du travail, la coupure de la ligne doit être maintenue par un dispositif tel que le courant ne puisse être rétabli que sur l’ordre du chef de service.
Dans les cas exceptionnels où la sécurité publique exige qu’un travail soit entrepris sur des lignes en charge de la deuxième catégorie, il ne doit y être procédé que sur l’ordre exprès du chef de service et avec toutes les précautions de sécurité qu’il indiquera.
Article 11
Il est interdit de faire exécuter des élagages ou des travaux analogues pouvant mettre directement ou indirectement le personnel en contact avec des conducteurs ou pièces métalliques de la deuxième catégorie, sans avoir pris des précautions suffisantes pour assurer la sécurité du personnel par des mesures efficaces d’isolement.
Article 12
Les lignes téléphoniques, télégraphiques ou de signaux particulières aux établissements ayant des installations électriques et affectées à leur exploitation, qui sont montées, en tout ou en partie de leur longueur, sur les mêmes supports qu’une ligne électrique de la deuxième catégorie, sont soumises aux prescriptions de l’article 8, §§1 et 6, et à celles des articles 10 et 11.
Leurs postes de communication, leurs appareils de manœuvres ou d’appel doivent être disposés de telle manière qu’il ne soit possible de les utiliser ou de les manœuvrer qu’ne se trouvant dans les meilleurs conditions d’isolement par rapport à la terre, à moins que leurs appareils ne soient disposés de manière à assurer l’isolement de l’opérateur par rapport à la ligne.
Section V
Affichage, dérogation, contrôle
Article 13
Les chefs d’industrie, directeurs ou gérants sont tenus d’afficher dans un endroit apparent des salles contenant des installations de la deuxième catégorie :
1° Un ordre de service indiquant qu’il est dangereux et formellement interdit de toucher aux pièces métalliques ou conducteurs soumis à une tension de la deuxième catégorie, même avec des gants en caoutchouc, ou de se livrer à des travaux sur ces pièces et conducteurs, même avec des outils à manche isolant ;
2° Des extraits du présent règlement et une instruction sur les premiers soins à donner aux victimes des accidents électriques, rédigée conformément aux termes qui seront fixés par un arrêté ministériel.
Article 14
Dans les ateliers de construction ou de réparation de matériels électriques (machines, instruments, appareils, câbles et fils), où l’emploi des tensions de la deuxième catégorie est d’un usage courant pour les essais du matériel en cours de fabrication, il peut être dérogé, pour ces essais, aux prescriptions du présent décret, à la condition que les organes dangereux ne soient accessibles qu’à un personnel expérimenté, désigné expressément par le chef d’établissement et que la sécurité générale ne soit pas compromise.
Une consigne spéciale réglementant ces essais doit être rédigée par le chef d’établissement et portée à la connaissance du personnel.
Article 15
Le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale peut, par arrêté pris sur le rapport des inspecteurs du travail et après avis du Comité consultatif des Arts et Manufactures, accorder dispense, pour un délai déterminé, de tout ou partie des prescriptions des articles 5§3, et 6§1 :
1° Aux installations créées avant la promulgation du présent décret ;
2° Lorsque l’application de ces prescriptions est pratiquement impossible.
Dans les deux cas, la sécurité du personnel doit être assurée dans des conditions équivalentes à celles définies auxdits articles.
Article 16
Dans les deux mois qui suivront la promulgation du présent règlement, les chefs d’industrie, directeurs ou gérants devront adresser à l’inspecteur du travail un schéma de leurs installations électriques de la deuxième catégorie indiquant : l’emplacement des usines, sous-stations, postes de transformateurs et canalisations.
Une note jointe indiquera :
- a) Si, par application de l’article 2§2 du présent règlement concernant les machines et transformateurs de la deuxième catégorie, les bâtis et masses métalliques non parcourues par le courant sont isolés électriquement du sol ou s’ils sont reliés à la terre.
- b) Les renseignements techniques nécessaires pour assurer le contrôle de l’exécution des prescriptions du présent règlement (nature du courant, tensions des différentes parties de l’installation, pièces métalliques visées à l’article 9, etc.).
Dans la première quinzaine de chaque année, le schéma et les renseignements qui l’accompagnent sont complétés s’il y a lieu par les chefs d’industrie, directeurs, gérants ou préposés et les modifications transmises à l’inspecteur de travail.
En cas de modifications importantes ou d’installations nouvelles, le schéma et les renseignements complémentaires sont adressés à l’inspecteur du travail avant la mise en exploitation.
Section VI
Dispositions diverses
Article 17
Le présent décret ne s’applique pas, en dehors de l’enceinte des usines de production, aux distributions d’énergie électrique réglementées en vertu de la loi du 15 juin 1906.
Article 18
Le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et inséré au Bulletin des lois.